En mauve et blanc

En 1930, le RSCA n’est pas qu’un club de foot qui prospère. On y croise une section athlétisme qui atteint une renommée nationale, une section tennis qui grandit dans un cadre rénové, mais aussi une section basket et hockey sur gazon. L’histoire du hockey à Anderlecht est en effet née en mauve et blanc. Les joueurs avaient ou allaient avoir 20 ans et étaient regroupés autour de Fernand De Samblanx. On y trouvait Fernand Bertels, Robert Cantillon, Maurice Demaret, Jean De Samblanx, Pierre De Smedt, Jean Jaeger, Alex Lamquet, Jean Lamquet, Fernand Michoux, Gaston Vanden Eynde, Maurice Vanden Eynde ou encore Emile Velghe. De base, ils étaient joueurs de tennis et ont longtemps gardé le rythme du tennis en été et du hockey en hiver.

Cette joyeuse bande disputait ses matchs sur le troisième terrain des installations du RSCA situé rue de Neerpede (actuellement Rue Théo Verbeeck) à Anderlecht. A l’occasion de chaque rencontre, ils devaient donc placer et déplacer leurs goals, tracer eux-mêmes à la chaux rougie les limites de leur terrain, différentes de celles marquées en blanc pour le football. On leur permettait de commencer certains matchs avec un peu de retard parce qu’ils devaient récupérer leur infatigable center-half Alex Lamquet, qui jouait aussi au football au RSCA. Il n’était pas rare que des joueurs combinent foot et hockey, au plus haut niveau tel Jef Vernimmen, bien connu des anciens. Toute l’équipe se réunissait au café Le Cheval Noir situé Place de la Vaillance.

Etonnamment, à cette époque, et certainement pendant la guerre, le club comptait aussi des hockeyeuses. Les équipes étaient mixtes.

Après la guerre, le club s’est étoffé de beaucoup de nouvelles recrues. Le président du club de l’époque, Raymond Boon, était dans la résistance et utilisait beaucoup de jeunes pour transporter des messages. Après l’armistice, la plupart ont commencé à jouer au hockey.

Les plus anciens se rappelleront que, dans les années 50-60, les joueurs d’Anderlecht (qui étaient souvent de vrais anderlechtois) avaient une mauvaise image. Comme beaucoup étaient actifs aux abattoirs, on les appelait “Les bouchers d’Anderlecht”. Certes, ils n’avaient pas les prétentions des ucclois, mais certains ont souffert de ce surnom un peu péjoratif.

L’équipement de l’époque ? C’était la chemise en coton, la fameuse “chemise Saint-Guidon". Le dessus était blanc et le dessous était mauve. Saint-Guidon a mille casquettes et est sûrement aussi le patron des hockeyeurs. C’est du moins ce qu’atteste la frise exposée au bar le Yéti.

 

Un club sans domicile fixe

Dans les années 60, quand le club de foot est devenu plus professionnel et que Constant Van den Stock est arrivé à la présidence, les autres sections ont été reléguées au second plan. Plus question de jouer au hockey sur les installations réservées aux stars d’Anderlecht. Il fallait donc trouver d’autres terrains. Et on peut dire que les hockeyeurs ont bien bougé. Ils ont ainsi joué au parc communal, à l’avenue d’Itterbeek, à La Roue, à la rue de Birmingham, à Veeweyde, à Saint-Nicolas, mais aussi à la rue de Genève et au boulevard Lambermont à Schaerbeek, au domaine provincial d’Huizingen, et aussi et surtout à Schepdael. Les années sont belles et festives, mais l’espoir de retourner officiellement à Anderlecht reste présent dans tous les esprits mais surtout dans les coeurs.

 

La belle époque de Schepdael

Tous les anciens sont unanimes : “Les meilleurs souvenirs sont à Schepdael !”. Ce furent de belles années sur le plan sportif, mais aussi amical et familial. Tant et bien que certains enfants auraient même grandi au club ! Il était habituel de passer son week-end au hockey. L’infrastructure était parfaite. Quatre terrains de gazon en pleine campagne : il n’en faut pas plus pour redonner la pêche à des hockeyeurs trop longtemps SDF. On y fêtait les montées de division, mais les descentes aussi. Toutes les occasions étaient bonnes pour se retrouver. Les familles s’investissaient beaucoup et envahissaient souvent la petite cuisine de 5 m2. Tout le monde mettait la main à la pâte. Une fête avec 200 personnes se profile ? On donne la recette du dindonneau à la Kriek à chacun et on rassemble tout le jour-même.  

Les terrains étaient entretenus par un pensionné, Guillaume Van den Brande. Grâce à lui, le terrain principal était un vrai billard. Il avait un tracteur sur lequel les enfants adoraient grimper pour traverser les champs avant de s’offrir une sieste dans les vestiaires. Sans parler de sa caravane. C’était la liberté. Il suffisait de se montrer à midi, puis le soir, pour rassurer les parents.

C’était l’époque des grands tournois, à Berlin ou à Cambrai. Avant Pâques et à la Pentecôte, c’était celui du club. Les terrains de Schepdael accueillaient des espagnols et des hollandais. Fin des années 60, une équipe s’est rendue pour un premier tournoi à Berlin. Un grand souvenir aussi !

Et puis, il y avait le fameux rallye vélo entre Saint-Guidon et Schepdael. On passait par l’avenue d’Itterbeek et par la rue du Pommier en faisant de fréquents arrêts dans les bistrots. Les hockeyeurs sur deux roues étaient même suivis par une caravane publicitaire. Et impossible d’oublier la course entre les voitures à la chaussée de Ninove. Cette escapade cycliste est à l’origine de la création, dans les années 80, d’une équipe vélo qui participait au critérium des hockeyeurs cyclistes sous la bannière d’Apollinaris.

C’était une autre époque. Dans les années 60, on coachait en nœud papillon, on ne parlait pas de protège-dents et les balles étaient en liège entouré de cuir lacé. On bougeait aussi sans se poser de questions. Il n’était pas rare de se retrouver à 8 dans une voiture, et sans ceinture bien évidemment.

Outre le RSCA, il y avait aussi le Bergendael HC (nom du lieu-dit à Schepdael), qui était un sous-club à Schepdael. Les joueurs et joueuses s’y défendaient, eux, en parme et blanc.

Et puis, un jour de 1991, les terrains sont mis en vente par vente publique. Deux candidats au rachat : la commune de Dilbeek et un groupe de membres. Etaient mandatés à la vente publique : Guillaume Vandenbrande, André Wirix et Alain Darbé. Evidemment, c'est la commune qui l'a emporté, faisant une surenchère après nous à chaque fois, et en a fait des terrains de football.

Il a fallu à nouveau trouver des terrains. Heureusement, le Baudouin à Dilbeek a pu nous accueillir pour quelques années. A l’époque, c’était une scission du RSCA. Il y avait donc une certaine rivalité entre les joueurs.

 

La rencontre avec l’Amicale

A quelques kilomètres de là, il y a le RTC Amicale, un club de tennis. Un soir de 1968, 6 joueurs se consolent de la défaite en demi-finale d’interclubs dans leur club house : le café L’Indépendance au lieu-dit “Cent kilos”, une vieille ferme transformée en bistrot. L’un d’eux, le seul à connaître le hockey sur gazon, leur propose d’occuper les week-ends d’hiver en pratiquant ce sport alors si peu populaire. Ils intègrent une équipe de mineure 8 du RSCA à Schepdael. Ils avaient le choix entre Uccle, le Baudouin et le RSCA, mais un supporter du foot mauve et blanc l’emporte.

Après quelques saisons, on parle de deux équipes complètes. Ils remportent quelques succès et notamment le championnat de mineure 8 et de mineure 7.

Ces petits nouveaux très motivés décident, en 1974, de créer leur propre club avec l’aide d’une équipe de division nationale qui revient au bercail. Ils jouent alors sur un terrain en gazon à la rue des Fruits jusqu’en 1982.

Le club de hockey, comme celui de tennis, se développent fortement et a l’occasion de déménager sur le site de Neerpede où il peut évoluer sur un tout nouveau terrain synthétique et continuer ainsi son développement. Le site a été aménagé dans les années 60 par la commune d’Anderlecht et abrite notamment les 40 hectares de l’unique golf 18 trous de Bruxelles. Un endroit rêvé !

 

La fusion RSCA - Amicale

Il faut attendre 1995 pour le mariage des deux clubs. L’Amicale apporte des joueurs jeunes et une belle installation (à Anderlecht !). Le RSCA, quant à lui, amène sa sagesse, sa stabilité et l’expérience d’équipes seniors.

Le RSHCAA, Royal Sporting Hockey club Amicale Anderlecht, était créé. Il est évidemment important de conserver les noms des deux clubs. Et certainement celui d’Anderlecht vu la renommée du club de football. Le mot Royal (lourd et démodé) et Sporting (trop référence au foot) ont été supprimé dans un soucis de simplifier notre nom en AAHC, affirmant le lien indéfectible avec la Commune d’Anderlecht

On imagine un équipement jaune et mauve. L’association n'est pas flatteuse. Et, au final, ce sont le bleu et blanc qui l’emportent.

 

L’année 2012

Sous l’impulsion de plusieurs membres le conseil d’administration décide le renouvellement du plus ancien terrain synthétique. Le choix se porte sur un terrain bleu mouillé dernière génération, financé grâce à des subsides et l’emprunt obligatoire des membres. Les joueurs et joueuses évolueront dorénavant sur une des meilleures surfaces du pays

2012 verra aussi la naissance de l’ASBL AAHC (Amicale Anderlecht Hockey club) qui s’occupera exclusivement de la partie sportive du club tandis que la RSHCAA restera responsables de la partie investissement

 

Et enfin l’Avia

Le bleu pâle présent actuellement sur l’équipement des joueurs vient de l’Avia, qui était le club de hockey de la force aérienne. En 2016, après avoir été expulsés des terrains où ils jouent habituellement, ce club nous rejoint et signe pour une fusion et un A en plus. Le club devient alors l’actuel AAAHC, l’Amicale Anderlecht Avia Hockey Club. L’Avia apporte de nouveaux joueurs adultes (trois équipes).

 

Un nouveau souffle

Vous l’aurez compris, depuis quelques années, le hockey à Anderlecht a le vent en poupe. Les tournois outdoor et l’intermède indoor ponctuent la saison. Depuis 2021, le conseil d’administration est rajeuni sur l’insistance des anciens. Et 2022 est l’année du nouveau club house tant attendu. Et si l’histoire ne venait-elle pas seulement de commencer ?

 

Propos recueillis auprès de Jean-Jacques Conreur, Jean-Jacques Degryse, Manu Parser, Alain Darbé, Daniel Delvaux, Daniel Coekelbergh et Viviane Gilbert-Deferière.